L'Andalouse...
Elle avait envie de danser, envie que son corps tout entier réponde à l'appel et vibre, vibre à nouveau au son de la fougue cubaine comme du zouk venu d'ailleurs.
Elle avait des envies de flammes, de dentelles au vent. Ses pieds se mirent à marteler le sol et son sourire inonda de soleil la nuit déjà tombée.
Elle vivait.
Elle vivait de musiques anciennes inscrites dans les histoires, elle vibrait au son des pleurs tziganes qui chaviraient son âme, la Gitane, l'Andalouse, la femme...
Elle oubliait les tourments et les craintes, sur la place nue, dans l'alcôve des roulottes en cercle, l'ingénue dansait, dansait, dansait encore et nous émerveillait.
Ce n'était point la danse, ce n'était point le chant, c'était la couleur de sa robe et le vent qui passait. Un vent de folie comme de bonheur qu'elle emportait avec elle.
L'Andalouse, l'Esmeralda de mes promesses. Elle était heureuse et ça se voyait. Elle dansait pour cela.
Pour le bonheur qu'elle exhalait malgré la vie et ses douleurs, la Dame dansait, dansait encore.
Pour oublier ou se rappeler, pour n'être plus qu'un corps qui respire et se donne, un corps vivant, vibrant, retrouvé.
Il faisait soir, il faisait tard et le bandonéon allongeait sa complainte. La Dame aux pieds nus caressait le sable, ondoyant dans le noir comme une ombre fêline. Elle enivrait mes sens, elle brûlait mes plaisirs et m'invitait surtout à entrer dans sa danse.
L'Andalouse déposait sous mes yeux égarés, des miriades de bonheurs et de rêves étoilés. Que je fusse un enfant, une femme ou un homme, le rythme de sa joie faisait battre mon coeur. Je me levais soudain tout en battant des mains. J'étais heureux moi-même de me laisser danser.
Lors le feu crépitait sous la folie tombante. On riait d'amitié et d'éclats partagés; des éclats de lumière qu'on voyait dans nos yeux. On était de vieux cons, des jeunes, des oubliés; on croyait que nos vies étaient devenues molles, flétries et même fanées. On a juste laissé la musique nous prendre, s'installer dans nos membres et venir nous porter. Une musique douce qu'on avait refermé sur des tracas de jours, sur des sources d'ennui. Suffisait d'écouter bouger le feu en nous et la vie doucement s'est remise à chanter...